Semaine du 25 au 31 octobre 2009 Manjarin - Arzua 189 km

Publié le par Frère Alain 59

            Dimanche 25 octobre

            Manjarin - Ponferrada 23 km


Ce matin lever plus tardif car nous passons à l'heure d'hiver. Après le petit déjeuner, je suis le premier sur le chemin malgré la pluie violente. En effet, j'ai hâte de quitter cette cabane sombre seulement éclairée par les cierges qui encadrent la statue de la Vierge.

 

Malgré l'altitude et la pluie, la température reste agréable. J'apprécie de ne pas avoir passé le sur-pantalon, mais j'ai superposé deux sous-vêtements. Mon pantalon est mouillé autour des genoux non couverts par la cape et les guêtres mais, dès le premier rayon de soleil, il sèche en moins d'une heure.

 

Je regrette que le brouillard m'empêche de profiter du paysage de montagne dans lequel j'évolue en suivant pendant deux heures la ligne de crêtes. A El Acebo, je m'arrête boire un café et apprécie une pause au sec. J'y croise deux pèlerins que je ne connais pas.

 

Il paraît peu opportun d'acheter de quoi faire un sandwich sans savoir s'il sera possible de manger sans se faire tremper. Il est midi lorsque j'arrive à Molinaseca où je m'arrête dans un restaurant qui propose un menu pèlerin à 8,95€. Lorsque j'en sors, la pluie a presque cessé.

 

Il me reste 7 kilomètres pour atteindre Ponferrada vers 15 heures sous un soleil radieux; la température est de 21° et je termine le parcours en tee-shirt. L'albergue municipale peut loger 250 pèlerins et a été rénovée entièrement il y a deux ans. Je partage une chambre de 4 avec un coréen, Wolfgang un allemand déjà rencontré à plusieurs reprises depuis Leon et Jimmy.

 

Après avoir pris une douche qui me paraît doublement bonne, je me sens suffisamment en forme pour me lancer à la découverte de la ville. Sa position stratégique lui a valu de voir les templiers y ériger une place forte remarquable.

 
Photo0132Photo0133

















                                                                           La forteresse templière de Ponferrada




Je rentre me coucher à 20 heures, heure à laquelle les hospitaliers nous ont conviés pour la messe des pèlerins dans la chapelle attenante à l'albergue. Je suis si fatigué que je m'endors presque aussitôt. Je n'entends même pas Wolfgang rentrer de la messe.

 




            Lundi 26 octobre

            Ponferrada - Villafranca del Bierzo
 

Malgré une bonne nuit de repos, ce n'est pas la grande forme ce matin. La ville moderne de Ponferrada est beaucoup plus étendue que je n'imaginais et j'ai du mal à trouver la sortie : le balisage s'interrompt brusquement à un rond-point et je suis contraint de demander mon chemin à plusieurs reprises.

 

Grâce aux indications d'une personne agée,  je retrouve la bonne voie. La matinée est brumeuse et j'évolue sur des route secondaires. Plusieurs villages traversés ne présentant pas d'intérêt particulier.

 

Sur le coup de midi, à Cacabelos, le soleil fait son apparition et je passe le reste de la journée en tee-shirt. Je remonte à travers les vignes du Bierzo dont j'apprécierai le bon vin.

 
Photo0134



Au-dessus de Cacabelos, les vignes ont pris leurs couleurs d'automne

Photo0135











 

A 14h30 j'arrive à l'albergue municipale de Villafranca del Bierzo. A mon arrivée, un seul pèlerin occupe ma chambre; il dort et j'apprendrai qu'il est argentin. Peu après j'y suis rejoint par Gwenaël rencontré la première fois à Granon puis par deux espagnols et enfin par Jimmy.

 

Gwenaël, breton célibataire de 30 ans, a été licencié suite à la fermeture de l'usine où il travaillait depuis 5 ans. Il a épuisé sa prime de licenciement pour voyager dans le monde entier. Son pélerinage a commencé son pèlerinage au Puy en Velay. Aujourd'hui, il se plaint des pieds car il a été contraint de remplacer ses chaussures dont les coutures avaient lâché.


Photo0137







                      Villafranca del Bierzo vue de l'albergue                    











          Mardi 27 octobre

          Villafranca del Bierzo - La Faba 24 km
 

Accompagné de Gwenaël, je quitte Villafranca à 8 heures par temps clair et frais. A la sortie de la ville, nous retrouvons Wolfgang qui a fait étape dans une auberge privée dont le gérant lui a vanté les panoramas offerts par la variante longue du chemin. Nous décidons de suivre cet itinéraire bien qu'il ajoute une heure au parcours du fond de la vallée lequel longe une nationale et une autoroute.

 

La montée est particulièrement abrupte dès le premier quart d'heure pendant lequel je laisse Wolfgang, Gwenaël et Jimmy (qui nous a rejoints) prendre un peu d'avance. Notre récompense est bien présente : dès que la végétation se fait plus rare, nous découvrons une vue féerique sur la ville que nous venons de quitter.

 
Photo0139


Photo0140



Nous sommes loin des bruits de la civilisation qui est cependant bien présente à quelques centaines de mètres sous nos pieds.




Après 3 heures de montée, je dépasse Wolfganfg dans la descente sur Trabadelo où se termine la variante. Il repasse devant moi tandis que je suis arrêté pour me ravitailler...Nous passerons la journée à nous dépasser mutuellement. Au cours de la descente nous avons rencontré une dizaine d'autochtones qui  s'activent au ramassage des châtaignes.

 


Photo0141 







De retour au bord de le N6 dont nous ne sommes séparés que par une glissière de sécurité, c'est pour y constater un va-et-vient incessant de camions car l'autoroute est provisoirement fermée. A Vega de Valcarce, je découvre un monument aux pèlerins qui me précise que le but vers lequel je suis parti il y a près de trois mois n'est plus très loin (Santiago 190km).



Après ce village, le chemin s'écarte sensiblement de la nationale tandis que l'autoroute passe tantôt sur un viaduc, tantôt sous un tunnel. Bien qu'empruntant une route secondaire desservant les petits villages du secteur, le chemin redevient agréable et je reprend une ascension progressive.

 

Je pensais faire étape à Herrerias où j'arrive à 13h30. Je poursuis donc jusque La Faba (915m) où je dois trouver une albergue privée appartenant à une association de Stuttgart. Un sentier pierreux particulièrement raide y mène directement. Ainsi j'aurai moins de dénivelé demain pour la montée redoutée des pèlerins du Moyen Age vers O Cebreiro (1320m).

Statue-de-La-Faba.jpeg






L'albergue est située à l'entrée du village. Dans la cour, je découvre cette magnifique statue de pèlerin oeuvre d'un sculpteur allemand.




L'hospitalière bénévole qui m'accueille s'exprime dans un français parfait car elle est belge. Peu après mon arrivée une foule nombreuse se rassemble à l'église toute proche pour les funérailles d'une jeune femme.


Je fais connaissance de Brigit une allemande qui parle elle aussi très bien français. Elle a passé son enfance en Algérie où son père, alors jeune médecin, s'est porté volontaire pour la coopération en remplacement des pieds noirs qui ont fui le pays à la fin de la guerre. C'est en sa compagnie que je dîne ce soir au bar du village.

 

Après le repas, nous sommes une poignée à nous rassembler à l'église à l'invitation des hospitalières. Après chaque chant ou lecture en allemand j'ai droit à une traduction par notre amie belge. La petite cérémonie se termine par un lavement des pieds, tout comme le Christ à la Cène. Ce geste symbolique est repris traditionnellement depuis le Moyen Age par les religieux des ordres hospitaliers qui reçoivent les pèlerins en route vers Saint Jacques.

 

Suit une veillée très gaie autour d'un verre, à laquelle sont conviés tous les pèlerins restés à l'albergue dont un groupe de jeunes coréens. Nous y apprenons l'histoire extraordinaire de l'association Ultreia Stuttgart qui nous reçoit.

 

Constituée par d'anciens pèlerins qui ont entrepris la rénovation d'une ferme en ruine, l'association est financièrement soutenue par un mécène allemand. Ce dernier s'était lancé sur le Camino pour réaliser un voeu : pris dans une violente tempête de neige au cours d'une excursion dans les Pyrénées, il s'était engagé, s'il en réchappait, à se rendre à pied à Compostelle... Au cours de ce pèlerinage, il est passé par La Faba.

Son soutien a permis à l'association non seulement de restaurer et aménager l'auberge, mais aussi de restaurer entièrement l'église du village.





            Mercredi 28 octobre

            La Faba - Triacastella 27 km


C'est avec Briggit que je démarre ce matin mais elle progresse beaucoup plus lentement que moi (je ne me croyais pas si rapide que cela). Aussi dès la première montée, elle me laisse partir devant. Je ne la reverrai malheureusement plus...C'est la loi du chemin!


Photo0142







C'est une magnifique journée d'automne et la montagne s'est parée de jolies couleurs.














A 9h30 j'atteins O Cebreiro et le point culminant de la journée une demi-heure plus tard sans éprouver de difficultés.


Photo0144 





C'est avec plaisir que je franchis la dernière limite provinciale : ça y est, je suis en Galice! Il me faut néanmoins franchir un dernier col avant de descendre vers Triacastella.

Photo0145

















Photo0146










Je rattrape Wolfgang à l'entrée de Hospital da Condesa où nous sommes arrêtés pour laisser passer un troupeau que l'on mène au pré après une nuit à l'étable.




A 13h30 j'atteins Fonfria où je pensais faire étape. J'y retrouve Jean Claude que je n'ai pas vu depuis une semaine. Nous entrons au bar pour nous y restaurer d'un sandwich et repartons ensemble jusque Triacastella où je vais arrêter pour aujourdhui. A notre arrivée nous prenons une bière à la terrasse du premier café du village; le restaurant est encore bondé à 15 heures. L'albergue est juste en face. Quant à lui, Jean Claude doit poursuivre sur 10 kilomètres pour trouver l'hôtel qui lui a été réservé à Samos par son organisation.

 

Je suis accueilli à l'albergue par une jeune femme et m'installe dans une chambre dont je suis le premier occupant. Une demi-heure plus tard, deux jeunes espagnoles attendent à l'accueil où il n'y a plus personne. Leur attente dure au moins une autre demi-heure, car entre temps la personne qui m'a accueilli s'est éclipsée. Après cette attente, les deux jeunes filles espagnoles viennent me tenir compagnie dans ma chambre. Nos échanges seront très limités car aucune ne parle le français ou l'anglais.

 


Photo0147




Je visite ensuite le village où je fais quelques courses. Une statue de saint Jacques orne son église.












En rentrant à l'albergue où j'envisage d'attendre l'ouverture du restaurant que j'ai repéré, je croise Bernard qui se rend "en ville" après avoir posé son sac à l'albergue. Nous avons une discussion à propos de l'heure du dîner. Ce n'est qu'une heure plus tard que je comprends que Bernard est resté à l'heure d'été! Nous repartons ensemble heureux de ces retrouvailles que nous n'espérions pas. L'évènement s'arrose avec une cerveza prise au bar en attendant de passer à table. La soirée n'est pas assez longue pour que chacun raconte à l'autre ses aventures de la semaine passée.





            Jeudi 29 octobre

            Triacastella - Ferreiros 29 km
 

Mes deux compagnes de chambres sont réveillées tôt ce matin. J'en profite pour me préparer rapidement et quitte l'albergue à 7h30. A la sortie, je découvre un pèlerin qui dort sur la pelouse trempée de rosée.

 

Je fais halte dans un bar où je prend un grand café pour accompagner les croissants industriels achetés hier.

Photo0148






A 8 heures, je reprends le chemin qui monte dans la châtaigneraie. Peu avant San Xil, une curieuse fontaine décorée par une énorme coquille se reflète dans un réservoir destiné à combattre les incendies de forêt.





Le parcours est agréable et dès 9h30 je suis en tee-shirt. Je rencontre peu de pèlerins; les autres ont-ils pris la variante par Samos? A midi j'arrive à Sarria et trouve un bar où me restaurer avant de reprendre le chemin qui monte pour traverser la vieille ville. Je me retrouve rapidement dans une campagne riante et dépasse deux américaines qui font la pause au soleil.
Photo0149




J'arrive à Ferrreiros à 16 heures fatigué mais heureux d'avoir dépassé la borne annonçant Santiago à 100 kilomètres. A partir de ce point, le parcours est balisé tous les 500 mètres par ces bornes compte à rebours.




L'albergue de 22 places de ce village perdu est déjà à moitié pleine et je ne connais aucun des pèlerins présents. Il y a là un groupe de canadiens, des allemands et quelques anglais. Une heure plus tard, Bernard me rejoint et nous dînons au bar voisin.






            Vendredi 30 octobre

            Ferreiros - Palas del Rei 34 km


Il est 7h30 lorsque je quitte l'albergue où je n'ai pas pu prendre le petit déjeuner. Comme de coutume, je n'ai pas attendu Bernard qui prend une douche. Il fait encore nuit et les deux bars du village sont encore fermés. Tandis que les canadiens attendent l'ouverture d'un des établissements, je me mets en chemin.

 

J'ai les jambes lourdes et mon pied droit me fait souffrir. Il me faut plus de deux heures pour m'échauffer. L'itinéraire débute par un dénivelé négatif de 300 mètres. Au cours de la descente,  je me retrouve dans un épais brouillard qui noie encore la vallée de Portomarin.

 

Deux options se présentent à l'entrée de la ville : un escalier mène semble-t-il au centre ville tandis qu'un autre chemin paraît l'éviter. Je choisis d'éviter le centre puisque je n'ai pas de courses à faire.

 

Après le pont sur la rivière Mino, le chemin remonte progressivement jusqu'à atteindre l'altitude du départ. J'ai mangé en chemin les derniers croissants que j'avais dans le sac et quelques fruits secs. A Gonzar, soit 13 kilomètres après mon départ, je trouve enfin un bar au bord du chemin pour prendre un café particulièrement apprécié.

 

Pour le sandwich de midi, il me faut atteindre Ventas de Naron, à 18,5 kilomètres de Ferreiros.

Avant l'entrée de Palas del Rei, où j'arrive à 15h30, je dépasse une première albergue; bien qu'ultra moderne, elle est isolée au sein d'un complexe de loisirs extérieur à la ville. Je m'installe dans l'auberge du centre ville qui est plus ancienne. Dans mon dortoir, je retrouve Gwenaël et Jimmy, tandis que Bernard nous rejoint une heure plus tard.

 

Les douches présentent la particularité de n'être équipées d'aucun moyen de fermeture individuel rideau ou porte. Les 16 occupants de la chambre y passent à tour de rôle en fermant la porte de la salle de bains.

 

Peu après mon arrivée la pluie se met à tomber et continuera par intermittence une bonne partie de la nuit.





            Samedi 31 octobre

            Palas del Rei Arzua 29 km
 

J'ai mal dormi cette nuit : l'éclairage public de la rue voisine entre à plein flots dans la chambre dont les fenêtres ne comportent ni volets, ni rideaux. De plus, l'espagnol qui occupe la couchette superposée à la mienne n'a cessé de remuer.

 

 
Photo0150



A huit heures, je me mets en route en compagnie de Gwenaël sans avoir pu déjeuner. La pluie a cessé et le parcours peu accidenté emprunte d'agréables chemins creux qui traversent les rios sur des ponts romans construits pour les pèlerins.







Gwenaël prend rapidement les devants et je m'arrête manger une banane et quelques biscuits fourrés en compagnie d'une jeune espagnole avant de trouver un bar ouvert à Coto 7 km après mon départ. Gwenaël  est attablé avec un groupe d'espagnols. Arrivé au centre de Melide, une première ondée survient. Elle semble ne pas devoir durer;  je reste donc en tee-shirt. Sorti de la ville je remet mon blouson. Cinq minutes plus tard, la pluie a cessé! Mais d'autres petites ondées se succèdent au long de l'après-midi.

 

Pour déjeuner, je m'installe dans un abribus. J'ai retrouvé un bon rythme de marche et dépasse un groupe d'une quinzaine de japonais qui se sont donné un chef auquel ils obéissent d'une façon quasi militaire! Je passe devant un bar où le jeune breton est attablé en compagnie d'une jolie britannique aperçue à plusieurs reprise sur le chemin. Je bois un café en leur compagnie et repars. J'ai en effet décidé d'aller jusque Arzua tandis que Gwenaël, fatigué, souhaite s'arrêter avant.

 

J'arrive à Arzua vers 15 heures et m'installe à l'albergue privée "Don Quichotte" à l'entrée de la ville. Cette auberge moderne de 48 places n'est occupée à mon arrivée que par un couple de français des environs de Marseille.

En fin de journée, Bernard m'appelle de l'albergue municipale bondée où il s'est arrêté. Après une recherche laborieuse, nous dînons dans un restaurant qui nous paraît un peu trop chic pour de pauvres pèlerins mais c'est le seul établissement correct de la ville nous semble-t-il. Nous y retrouvons nombre de pèlerins qui ont fait la même analyse. Nous sommes tout excités à l'idée que dans deux jours nous serons au bout de notre périple!

Publié dans Pèlerins du monde

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article